En 1981, lorsque Claude est arrivé à Villers-Cotterêts, accompagné de ses amis : Philippe Wattincourt, Éric Laquerrière et Thierry David, je n’aurais jamais imaginé qu’il allait bouleverser ma vie de musicien et d’homme, à ce point !
Il faut dire qu’à 12 ans, je ne me souciais pas des affaires des grandes personnes.
Pour moi, c’était un jeune chef qui venait remplacer celui qui était « vieux » à la tête de l’harmonie municipale.
Cela faisait 2 ans que je jouais dans l’orchestre (pour ne pas dire « clique ») tout d’abord comme cymbalier puis, comme clairon.
Il n’a pas fallu longtemps pour que Claude se décide à monter une batterie-fanfare à la place de l’orchestre d’harmonie. Quand il a annoncé la couleur, beaucoup de musiciens ont quitté les rangs pas très enchantés de devoir jouer du clairon, de la trompette de cavalerie ou de la trompette basse à la place de la clarinette ou du saxophone.
Mes frères et moi, nous sommes restés comme la plupart de nos amis jouant d’un instrument cuivre ou de percussions.
Je pensais que j’allais continuer à jouer du clairon mais non ! Claude m’a dit que j’apprendrai le clairon basse, que c’était comme un clairon mais plus gros et plus grave.
Au bout de quelques mois, nous avons fait notre première sortie en batterie-fanfare avec deux morceaux, Helga et Tambour battant de Robert Goute.
Nous avons aussitôt remporté un franc succès dans les rues de Villers.
Je me souviens que nous étions partis jouer dans l’Yonne où notre ancien chef, Roger Bouchard, s’était retiré. Celui-ci fut enchanté et impressionné par le travail accompli en si peu de temps.
Puis, notre répertoire s’est étoffé avec entre autre : Pépita et son solo interprété par mon ami Fabrice Dejoie et surtout… Bugle Riff !
Je ne comprenais rien à la partition avec ces triolets partout et cela me faisait peur car il faut dire que j’étais tout seul au clairon basse et qu’il fallait que j’assure.
Mais le travail de détail avec Philippe et les tutti avec Claude m’ont mis en confiance et finalement je me suis éclaté à le jouer.
Mon adolescence a également été bercée par les stages de l’UFOP (Union des Fanfares de l’Oise et de Picardie) où j’ai énormément appris et surtout rencontré Lionel Rivière, Christophe Lefèvre, Stéphane Krégar et bien d’autres.
Il faut dire que ce stage était à l’image de Claude qui en était l’instigateur exigent, rigoureux mais aussi sociable.
Nous étions coupés de nos familles pendant 15 jours pour faire de la musique non-stop. Nous débutions notre journée à 8h30 pour la terminer à 22h avec quelques pauses dans la journée (je vous rassure, on mangeait aussi !).
Comme dans beaucoup de stages, il y avait le traditionnel concert de fin de stage mais la chose unique que d’autres n’avaient pas, c’est que nous repartions tous avec un disque d’enregistrement de notre travail musical.
Quand les morceaux étaient au point, ils étaient enregistrés puis au final, Claude partait chez Corelia qui se chargeait de presser ce 33T.
Sur la pochette étaient inscrits : l’année du stage et la liste nominative des musiciens stagiaires et intervenants. Claude demandait le meilleur de nous-mêmes mais savait aussi nous récompenser. Sa générosité n’avait pas de limites.
Claude ne s’est pas arrêté à la création de la Batterie-Fanfare à Villers-Cotterêts.
Son école de musique était si populaire et efficace qu’il décida aussi de remonter une fanfare pour devenir ensuite un orchestre d’harmonie. J’y ai pratiqué pendant quelques années l’euphonium avant de passer au tuba y compris dans la batterie-fanfare. Je m’étais même essayé au trombone mais le temps me manqua pour continuer.
J’ai de très bons souvenirs de ma période euphonium où je jouais le thème de Comme d’habitude de Claude François en soliste.
Claude savait nous mettre en confiance afin que nous puissions nous dépasser (surtout que je suis plutôt de nature timide).
Il faisait aussi partie des personnes qui avaient créé le stage d’orchestre d’harmonie dans l’Aisne dont le 1er se déroula à Tergnier sous le parrainage de Monsieur Désiré Dondeyne.
Là aussi, ce fut de grands moments de musique, d’apprentissage, de rencontres et d’émotion. Claude se dévouait corps et âme pour que ses musiciens puissent avoir les meilleurs « outils » pour apprendre la Musique et il savait très bien s’entourer pour cela.
Sa volonté dépassait les frontières de Villers-Cotterêts.
Claude était un des grands défenseurs de la batterie-fanfare, ce qui m’a toujours étonné. Comment pouvait-on être passionné par des bouts de tuyaux sans pistons avec certaines notes « fausses » quand on avait étudié le saxophone au Conservatoire ?
Il était tellement investi par le genre qu’il avait créé avec son épouse Martine, Les Éditions de la Forêt de Retz. Son but était de promouvoir les jeunes compositeurs BF mais aussi de diffuser certaines œuvres phares qui ne l’étaient pas comme Mirage et Les Tatars de Roger Fayeulle.
Sorti de mes études en 1989, Martine et Claude Menteaux m’ont embauché pour réaliser la gravure des manuscrits sur informatique.
A cette époque, on était loin de ce qui peut être réalisé aujourd’hui avec un logiciel comme Finale. Le programme que j’utilisais s’appelait Score et c’était un produit américain non traduit, bien sûr. Il a fallu que j’apprenne tout le vocabulaire musical anglais. De plus, tout se faisait en saisie clavier (pas de souris à l’époque).
Mon goût pour l’écriture est venu pendant cette période. C’était passionnant de voir les conducteurs des divers compositeurs.
J’ai vu défiler sous mes yeux les 1ères pièces d’André Telman, des pièces de Patrick Léon, Patrick Poutoire, André Brouet, Guy Coutanson, Philippe Hauquier, Michel Mathieu, etc.
De temps à autre, Claude m’expliquait quelques trucs sur les règles d’écriture et leur mise en forme.
C’est à ce moment que j’ai eu l’idée de composer Young generation. Un jour, je suis arrivé au boulot avec mes partitions sous le bras que je me suis empressé de montrer à Claude.
La semaine suivante, on essayait le morceau en répétition et il fut aussitôt adopté par la Batterie-Fanfare de Villers et par la suite, par les Batteries-Fanfares de France.
Je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il m’a apporté dans ma vie de musicien et de compositeur mais aussi dans ma vie de tous les jours durant ces 30 années.
Bien sûr, il y a eu aussi des désaccords et des coups de gueule mais l’amitié est revenue prendre sa place.
Nous avons partagé tant de moments ensemble, les concours CFBF, les concours CMF, les Rencontres Nationales, les nombreuses sorties (le Carnaval de Nice) qu’une journée ne suffirait pas pour tous les évoquer.
Mais il y eu a un évènement particulier dont je me souviendrai toujours ainsi que ma femme Patricia : c’est notre mariage le 19 juin 2010 où Claude était si joyeux de voir notre bonheur et je sais qu’il n’y avait rien au monde de plus important à ses yeux que de voir ses « enfants » heureux.
Au revoir mon Claude, mon ami. Tu seras dans mon cœur pour l’éternité.
Mes pensées t’accompagnent Martine ainsi que tes enfants.
Christian Tavernier