Je vais éviter de faire un roman car si je m'épanche mon propos risque d'être trop détaillé ou développé, mais mes grands points d'éclaircissement sur le "niveau" des BFs sont les suivants.
La question du niveau n'est pas pensée et partagée partout de la même manière. Les enjeux ne sont pas les mêmes d'un individu, endroit, BF, ..., à l'autre. Il serait d'ailleurs intéressant d'analyser comment est "cultivée" d'un endroit à l'autre la notion de "niveau" et dans quels buts...
Le "niveau" est toujours relatif, et n'est en fait que "supposé". Car c'est une donnée exprimée en fonction d'un référence choisie pour être fiable ou pertinente, qui fait état de norme temporaire ou définitive - qu'il soit une moyenne constatée ou un état antérieur connu comme point d'équilibre (niveau de la mer, niveau intellectuel, etc.). C'est donc une mesure, qui comme tout autre mesure comporte une marge d'erreur par rapport à un objet de référence qui lui même n'est qu'une possibilité parmi d'autres.
Ce qu'il vaut mieux interroger, c'est POUR QUOI et POURQUOI attribuer des niveaux... Si c'est juste pour fabriquer des gagnants et des perdants, des bons et des mauvais, on est complètement à côté de nos pompes. Si c'est pour comparer nos zizis comme à la récré en primaire, ou nos mobylettes à 14 ans, je ne vois pas le sens non plus. L'essentiel est en fait de cheminer grâce à lui, donc d'en tirer une valeur de repère.
Perte - pour certains, et recherche - pour d'autres, de repères, toujours est-il que les mots et formules clefs qu'on retrouve presque systématiquement dans cet éternel débat situe bien la notion de "niveau" dans ce questionnement de fond : "niveau, écart, évolution, perte, limites, capacités, esprit, sens, progrès, comparaison, à l'origine, à l'époque, tradition, d'où on vient, "mais où va-t-on ?", s'écarter, moderne, identité," ... etc. (mots glânés ça et là dans les sujets).
Certains cherchent la compétition par rapport à autrui (dépassement des autres pour soi), d'autres entrent en compétition avec eux-mêmes (dépassement de soi avec l'aide des autres). Ce sont deux trajets et projets très différents. Et deux rapports au "niveau" qui sont en tension permanente.
Dans un cas la volonté de l'emporter sur l'autre annule les possibilités de penser les choses de manière "universelle", et crée une forme de repli sur soi, une volonté de conservation et de contrôle s'appuyant plus facilement sur des objets connus et supposés à portée de "maîtrise".
Dans l'autre cas, cela témoigne d'une recherche d'ouverture du champ des possibles, d'une volonté d'exploration de choses nouvelles, en acceptant les prises de risques liées à une part d'inconnu ou d'étrange. Mais cela ne veut pas dire gommer le passé. Au contraire, c'est se le réapproprier, le comprendre et le faire vivre plus que jamais que de le mettre au service d'une évolution et d'une construction qui restera toujours inachevée, à mener, à poursuivre.
Ce sont 2 projets très différents, mais pas incompatibles : "Il faut de tout pour faire un monde..." On peut avoir des projets différents mais chacun tracer sa voie et poursuivre ses idées, dans le même genre musical. Le monde change tous les jours, se transforme, connaît des métamorphoses et poursuit son évolution. Il n'attend pas après nous pour ça. C'est comme ça pour tous les vivants, alors... autant y particper.
Il convient de s'interroger, pour aller plus loin et pour permettre un détour qui nous éclaircira, justement sur la notion "d'écarts" souvent mentionnés... : de niveaux, de styles, etc., et mettre le doigt sur l'idée qu'il existerait une norme préexistante à la BF. Pourquoi devrait-on "s'écarter" ? De qui, de quoi ? Y'a comme une idée de déviance (en tout cas c'est ce que moi j'entends) à une norme.
Comme vous le dites si bien, notamment Seb, il y a quelques dizaines d'années, les entités qui faisaient fonction de repères, de normes, de modèles, pour beaucoup de BFs, furent les BFs des Musiques d'Etat, qui encore aujourd'hui malgré leurs disparitions progressives, bénéficient toujours d'une aura "posthume". (Je suis loin de me réjouir de leur dissolution, et aimerais personnellement encore aujourd'hui les compter dans le paysage, mais il en va ainsi). Ces BFs stoppées n'ayant pu évoluer depuis leurs derniers élans, bon nombre de personnes se sont retrouvées avec l'image définitive alors enterinée de ce que devait être une Batterie-Fanfare : "Elle se meurt, je la ferai revivre." C'est un phénomène humain et compréhensible, observable dans un très grand nombre de domaines. Face à la perte, on redouble de volonté à faire perdurer l'histoire, mais souvent avec trop d'idées fixes...
Ce qu'il est maintenant doublement intéressant de noter, c'est que premièrement ces mêmes BFs issues de nos Musiques d'Etat, telles que nous les définissons et les remémorons, ne datent pas de Vercingetorix ou Mathusalem... mais disons pour les prémices des années 50-60, et dans son âge d'or des années 80-90. "La BF", n'en déplaise !, est un poussin sorti de son oeuf comparé à bien d'autres formes d'innovations et agencements d'orchestres qui fêtent leurs anniversaires en tranches de siècles. Deuxièmement, ces mêmes BFs, imaginées comme garantes et fidèles de l'archetype d'une batterie-fanfare "ancestrale" qui serait née pour advenir à une image aujourd'hui figée, ont été les premières à transgresser (veut dire "aller plus loin) les limites définies par leur cadre - principalement militaire et les codes de leurs époques, qu'ils fussent esthétiques, historiques, musicaux... Regardons en face de où ces formations partaient, et où elles sont allées ! : elles sont l'exemple même et le témoin d'une évolution musicale aussi prolifique, éclectique, dynamique que rare à observer. Bien entendu, il y a derrière tout ça des personnes dont on connaît les noms et qu'on reconnaît comme illustres aujourd'hui, ayant imprimé la direction de ce courant avec conviction et passion, et qui ont permis pour beaucoup à ce genre nouveau d'éclore sur la scène publique.
La réalité d'aujourd'hui est telle que des personnes ou des BFs, bénéficiant d'ouvertures, de latitudes et de libertés très grandes, se privent d'essayer ne serait-ce qu'un tant soit peu de suivre pourtant l'exemple de leurs présupposés modèles, à savoir s'aventurer dans la poursuite de l'expérience de la nouveauté, de l'évolution, de la métamorphose menée par leurs prédécesseurs "pionniers" (qui eux ont su y parvenir -alors qu'ils évoluaient dans des cadres bien plus contraignants - et auraient pu être soumis et bridés par les dictats des corps d'armées, qui n'ont pas l'objectif premier de forcer le progrès dans le domaine muscial, convenons-en). Car ils l'ont bel et bien fait.
Pour moi il n'existe par conséquent pas de norme intrinsèque à la BF, si ce n'est en vérité que celle d'être culturellement, historiquement, musicalement, trangressive et innovatrice.
Ce détour est important, car pour revenir à la question centrale du "niveau" des BFs, il faut conjuguer tout ceci avec le fait que nous ne savons pas toujours de quoi nous voulons parler tant nous traitons ce mot chacun avec des définitions, pensées, expériences, attentes et sensibilités différentes. Pour moi, il y a autant de niveaux que de champs à explorer. Juger de la qualité d'un orchestre doit à mon sens se faire de façon multidimensionnelle, comme toute évaluation, qu'elle soit musicale ou autre. Quand vous aidez un gosse en lecture de texte (ou autre support d'apprentissage...), vous ne vous demandez pas seulement s'il prononce bien telle ou telle syllabe, nomme bien telle ou telle note. Vous essayer d'aller au-delà du son pour vous approcher du langage, donc de l'être dans toutes ses dimensions : physique, émotionnelle, affective, intellectuelle, sociale, psychique, artistique,..., à l'endroit et au moment présent. On essaie de voir s'il a utilisé les passerelles du sens, s'il a compris ce qu'il lisait, et s'il est capable d'en restituer quelque chose, et idéalement s'il va pouvoir mobiliser ces nouvelles ressources pour comprendre le monde et s'exprimer.
En musique pour moi c'est pareil. La musique est à observer sous bien des niveaux différents, tout dépend de la paire de lunettes qu'on choisit : pourquoi pas commencer par évaluer le niveau d'un orchestre par exemple, à la façon qu'il a de traiter les silences ? C'est pourtant là que commence la musique. Tant d'indicateurs, de critères à apprécier ensuite (je laisse la place à des experts) qui ne demandent pas forcément un prix de conservatoire à tous les musiciens pour faire d'une BF un excellent orchestre.
Quand il est par exemple parlé de "force", où se situe-t-elle ? Dans la dimension purement physique, dans le "jeu en force", ou bien dans l'expression musicale ? N'y a-t-il pas un travail qui va au-delà de la "technicité technique" à réaliser pour s'en approcher, qui relèverait d'un travail d'éveil et de conscience, d'effort, d'interprétation ? Certes, la technique impose des limites, mais la culture de l'esthétique est à partager au travers de nombreux supports, qui peuvent donner le goût pour les musiciens de faire le chemin qui part d'une succession de notes vers une phrase musicale où l'expression d'une certaine émotion y est recherchée.
Dès lors qu'on prend conscience de tout ça dans son épaisseur, nous relativisons nos craintes d'être "largué" ou "découragé", je pense. Moi même, je joue du tuba à "bas niveau", mais ça ne m'empêche pas de faire les choses du mieux que je peux dans le cadre de mes limites mais aussi dans celui de l'orchestre qui a des attentes envers moi auxquelles je m'efforce de répondre. L'important c'est de connaître ses limites, mais au fur et à mesure du temps, toutjours s'inscrire dans des propositions musicales qui aident à les dépasser à chaque fois un peu plus. C'est la force des projets collectifs. Les concours en sont, mais pas que...
Car le travail d'une BF ne se mesure pas qu'une fois l'année ou tous les 3 ans pendant 15min... Apprendre aussi à s'auto-évaluer, régulièrement et en permanence, est un enjeu majeur. Mais qui ne doit pas faire tomber dans le déni et la surdité face aux critiques, conseils et expertises (jury, cadres...) lors de temps dédiés à ça. Et ça, ça peut déjà se faire en exploitant les possiblités qui ne demandent pas forcément un "haut niveau" comme il est commun de le dire : savoir écouter, savoir respecter les conventions, bien s'imprégner du caractère, de l'ambiance voulue par la pièce, écouter autour de nous les différentes formes, courants, musicaux passés ou actuels, être curieux de tout, échanger avec les autres (pas seulement à la BF, mais aussi avec des rappeurs, des musiciens classiques, des profs, des copains...), tout ça pour cultiver son jardin et que, inconsciemment, ça se "ressente" dans le jeu musical. C'est aussi en préparant avec sérieux un concert annuel, une date qui a l'air anondine, une cérémonie, etc., qu'on observe au "jour le jour" des "petits riens" qui ont l'air insignifiants, mais qui nous donnent des pistes pour actionner des leviers...
Il n'existe à mon avis donc pas un "niveau" de BF, mais des niveaux à mettre en corrélation avec un large éventail de critères. On ne peut résumer/réduire le niveau à la capacité de multiplier des prouesses instrumentales. Imaginons que ceux-là réunis jouent sans s'écouter, sans nuances, sans s'inscrire dans le même esprit, la même idée générale et esthétique d'une pièce... ça arrive, et on s'ennuie. Il y a bien des capacités d'adaptation de l'orchestre à son environnement (acoustique, etc.), choix des pièces, respect des oeuvres (parce que des fois, ça peut se poser...), la façon de proposer une démarche, une histoire, le comportement ou l'attitude, une "sincérité" ou en tout cas une congruence à avoir dans sa présence devant un public... On fait tout de même les choses par passion, ou par plaisir... Après si c'est par "passe-temps" sans autre forme de désir, alors oui, ça pose des problèmes moteurs pour avancer... Et c'est donc un mauvais point, parce que ça ne trompe pas, se ressent derrière le bignou... Le niveau, c'est aussi d'être à la hauteur de ses motivations.
Le "niveau" pour finir, dont on parle si souvent, ne serait-ce pas en fait la capacité à savoir mettre en avant toutes ses qualités (techniques, esthétiques, musicales...) pour un orchestre à un moment donné et un instant T, et traiter ses défauts comme des témoins/objectifs des efforts qu'il reste à accomplir ?
L'important est de savoir si l'on veut avancer, et ce qu'on souhaite faire. Si des BFs se privent d'aller vers une progression/trangression alors qu'elles pourraient, moi perso je trouve que c'est dommage. Mais si c'est un choix, alors libre à chacun, et qu'il soit assumé. Si c'est un regret, et bien, il faut oser tenter, de trouver les ressources pour avancer. L'important c'est d'avancer ensemble, de faire confiance, de se connaître, et d'être soudés. Isoler la BF du reste du monde de la musique est pour moi, entre parenthèse, une erreur ou un non-sens. La musique ne connaît pas de frontières, qu'elles fussent rocheuses, culturelles, ethniques, "stylistiques", géographiques, créées par des pseudo "puristes" d'un genre ou des fans d'électro, si la musique est bonne... si la musique sonne... si la musique donne... et bien qu'elle guide tes paaaAAAs !
tubadrums a écrit: Petite, moyenne, grosse, cela n'est pas grave ! Faisons du mieux possible !
Massilia56 a écrit: Tu as tout dis tubadrums dans ton post.
Il doit y avoir de ça aussi... Une affaire de zizi sexuel... sûrement... mais pour ça faudrait inviter un psychanalyste !